Des réseaux sociaux faits pour les créatrices et créateurs ?

Devinez qui a (encore) envie de se plaindre et de rédiger une thèse sur les dérives productivistes des réseaux sociaux...

Two Moons © Clémentine Negroni 2020

Comme vous n'êtes pas sans le savoir, je suis artiste et use abondamment des réseaux sociaux pour diffuser mon travail. Et comme vous le savez sans doute, je trouve injuste la façon dont les créateurices de contenus sont traité•es par les sus-nommés. Et je sais que je ne suis pas lae seul•e.

Pour prendre mon propre exemple : je dois faire la promotion de mes créations sur les réseaux sociaux afin de toucher de potentiel•les client•es susceptibles de vouloir acheter des tirages de mes photos.

Jusque là, ça paraît normal. (Encore que, je trouve ça tout à fait dénué de charme, mais malheureusement je n'ai pas encore trouvé d'alternative à la logique capitaliste.)

Ce qui me paraît anormal, c'est de devoir endosser autant de rôles que l'auto-entreprenariat 2.0 et le management en invente chaque semaine dans le seul but de mériter une petite place dans le flux de contenus. Flux rempli de données qui ne cesse d'augmenter – car on doit en fournir toujours plus pour espérer avoir et garder sa place – et qui pousse à une surproduction inhumaine et anti-écologique puisque toutes ces données numériques sont stockées de façon bien tangibles et contribuent au réchauffement climatique. C'est la logique de la croissance infinie dans toute sa splendeur.

Cela me fend le cœur d'avoir à user de stratégies. Cela m'éloigne de mes convictions et du plaisir de créer.

Non, je n'ai pas envie d'endosser le rôle de rédacteurice web, ni celui de community manager... Je n'ai pas envie de me brider ni de devoir produire du contenu juste pour produire du contenu. Cela a-t-il vraiment un sens ?

On me rétorque souvent que si les réseaux sociaux n'existaient pas, j'aurais sans doute bien plus de difficultés pour faire connaître mon travail.

D'une part, oui, le monde aurait été entièrement différent si l'Internet et les réseaux sociaux n'avaient jamais été inventés, et donc impossible de savoir ce que j'aurais fait dans une réalité alternative, d'autre part, je ne dis pas que les réseaux sociaux sont inutiles ou fondamentalement mauvais, je dis juste qu'ils ne sont pas conçus pour les créateurices mais seulement pour le bénéfice économique de leurs propriétaires car ce ne sont pas des plateformes à but non lucratif bien que gratuites. Ces plateformes ont les défauts du système grâce auquel leurs propriétaires prospèrent, le capitalisme.

Je ne souhaite pas que ces plateformes cessent d'exister, mais qu'elles ne se targuent pas d'être "conçues pour les créatif•ves" alors qu'elles ne font que leur mettre des battons dans les roues à chaque mise à jour de l'algorithme au profit de celleux qui produisent du contenu commercial et qui sont vus comme partenaires économiques. Si elles voulaient être les alliées des créatif•es, elles prendraient des dispositions pour valoriser les indépendants.

Je n'ai malheureusement pas de solution, j'aimerais que les réseaux sociaux changent radicalement car je n'y trouve plus ma place.

Faute de changement pour le moment je vais les éviter de plus en plus. Je sais que je ne leur manquerai pas car ils trouveront toujours du contenu pour alimenter l'algorithme. Mais ce qui me manquera ce sont les interactions avec les personnes dont j'admire le travail et celles qui apprécient le mien.

C'est après tout le plus important sur les réseaux sociaux, la dimension sociale.